A la suite du dernier livre de Stephane Foucart, journaliste d’investigation au Monde, intitulé « Et le monde devint silencieux », voici les conclusions de l’enquête menée par Claraz Pesce sur la disparition des insectes pollinisateurs et partagée sur Linkedln.
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Cet article est très pertinent dans la mesure où il démontre qu’il existe des liens opaques entre les firmes agrochimiques, les autorités sanitaires et le monde politique avec pour conséquence des retards incompréhensibles sur des décisions de retrait de produits extrêmement dangereux, de véritables poisons pour les insectes pollinisateurs et pour les humains.
Par exemple il a fallu attendre 27 ans pour interdire la vente et l’utilisation des néonicotinoïdes dans l’agriculture.
Des formes graves de cancers ont même été développé par des agriculteur ayant utilisé ces produits toxiques pendant des années (Le glyphosate par exemple).
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Pour vous faire une idée du lobbying intense pratiqué par les firmes agrochimiques au niveau mondial, il faut savoir que des rapports sont réalisés par de pseudoscientifiques à la solde de ces entreprises pour distiller des doutes et retarder ainsi les décisions défavorables prises par les dirigeants politiques ou les inciter à prendre d’autres décisions plutôt favorables à ces entreprises.
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1.Comment parer le lobbying intense des firmes agrochimiques
En les combattant sur le même front financier :
- En les désignant à la vindicte populaire face à leurs comportements criminels ;
- En intervenant auprès des fonds souverains d’investissement comme celui de la Norvège ou d’autres fonds d’investisseurs mondiaux (ESG, ISR ou autres) et demander d’exclure ces firmes d’agrochimie de leurs listes d’investissement, de les mettre hors-la-loi ;
- En effectuant un lobbying pressant auprès des gouvernements, des institutions internationales et des instances scientifiques et sanitaires pour que les décisions de retrait soient prises beaucoup plus rapidement ;
- En intervenant dans les médias (Presse, radios, télévisions, réseaux sociaux) et faire découvrir leurs agissements au monde entier ;
- Bref, en réduisant par des actions coordonnées leurs chiffres d’affaires et leurs bénéfices si elles continuent de vendre des produits toxiques, dangereux pour les insectes pollinisateurs, pour d’autres animaux et l’espèce humaine.
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Pour information, en 2020, à la demande de la filière et pour sauver la campagne de betteraves sucrières selon le Ministère français de l’environnement, une autorisation temporaire jusqu’en 2023 a été décidé pour l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes sur les cultures de betteraves sucrières. Notez que le département de l’Oise est un gros producteur de sucre.
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Pouvez également cliquer sur le lien ci-dessous si vous voulez lire la totalité de l’article de Clara Pesce :
https://www.linkedin.com/pulse/et-le-monde-devint-silencieux-clara-pesce?articleId=6663312044084867074
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Comité de rédaction de l’association Crépy environnement et qualité de la vie
2.Où en est la réglementation aujourd’hui ?
En Europe, les néonicotinoïdes ont été introduit dans les années 1990. Certains de ces produits ont été suspendus provisoirement dans les années 2000 par principe de précaution. Il a suffi aux industriels d’user de leurs stratégies pour que ces mêmes produits ou de nouveaux proches cousins soient ré-autorisés dans toute l’Europe en 2005. En 2013, un moratoire est finalement voté suite au fameux rapport de l’EFSA et malgré de fortes oppositions : trois néonicotinoïdes ont désormais des restrictions d’usage en Europe mais seulement pour les cultures attractives pour les insectes.
Malgré cela, la vente des cinq principaux néonicotinoïdes augmente l’année suivante de 31% en France et de nouveaux produits apparaissent : en 2015, l’Europe autorise la mise sur le marché de deux insecticides à base de sulfoxaflor, qui ciblent les mêmes récepteurs que les neonics dans le système nerveux central des insectes. Après toutes les connaissances acquises sur les effets délétères des insecticides nouvelle génération, comment ces nouveaux produits peuvent-ils accéder au marché ? En Europe et aux Etats-Unis, lorsque des risques sont mis en évidence, il est fréquent que les produits soient malgré tout autorisés provisoirement en attendant des études complémentaires des industriels. C’est ainsi que ces deux insecticides ont été autorisés en Europe en 2015 puis en France en 2017. La même année, les produits sont finalement suspendus en France par principe de précaution grâce à l’action d’associations d’apiculteurs et de défense de l’environnement.
Il faudra finalement attendre 2018 pour que l’Europe vote une prolongation et une généralisation du moratoire de 2013 et retire du marché les trois principaux néonicotinoïdes ; la France choisira même d’en retirer deux supplémentaires. Il aura donc fallu 27 ans pour que la réglementation européenne réagisse face à ces produits destructeurs.
3.Et maintenant ?
L’interdiction des trois principaux néonicotinoïdes en Europe est une belle avancée. L'usage de ces produits est également interdit aux Etats-Unis depuis peu. Cependant, les firmes agrochimiques pourront facilement contourner ces interdictions en élaborant de nouveaux produits à la fois très proches des néonicotinoïdes mais qui n’entrent pas dans cette famille. Il faut aussi se rappeler que les néonicotinoïdes ont des périodes de demi-vie de plusieurs dizaines d’années et que leur interdiction n’aura pas d’effets instantanés : les insectes pollinisateurs continuent de disparaître.
Le sujet de l’interdiction des néonicotinoïdes en Europe permet de mettre en lumière la complexité des réglementations de mises sur le marché. Cette complexité est d’abord scientifique : un sujet aussi complexe que la disparition des abeilles ne pourra jamais obtenir de conclusion scientifique formelle et définitive. Elle est ensuite politique : la porosité entre les firmes agrochimiques privées et les autorités sanitaires et institutions publiques est effrayante et conduit à des assouplissements des réglementations et à des révisions sans fin. Pour maîtriser les informations élémentaires de ce seul sujet des néonicotinoïdes, il m’a fallu passer des heures à analyser un livre d’investigation très poussé et à le compléter par des rapports pointus. N’importe quel autre sujet de réglementation européenne est sûrement aussi complexe. On comprend donc que l’opinion publique n’a quasiment aucun moyen de se faire sa propre opinion sur un tel sujet car les relations entre les industriels et les gouvernements lui sont totalement opaques.
Clara Pesce
Business Data Analyst at MeilleursAgents
G-8E3L9HX3YT